Ce texte est une contribution collective de l’ensemble des
camarades de la Commission défense nationale et paix du PCF au débat du Congrès
du Parti.
Notre
pays n'a plus, ni stratégie de défense indépendante, ni véritable visée propre
de politique étrangère. Le triumvirat Hollande-Valls-Le Drian dans la suite de
la présidence de Nicolas Sarkozy met en oeuvre une liaison dangereuse entre le
concept de défense et celui de sécurité intérieure. Il se réfère à une
chimérique « Europe de la défense » pour mieux s'enfermer dans une
communauté occidentale « de valeurs et d'intérêts » sous contrôle de
l'OTAN. Il revendique des « interdépendances librement consenties »
qui ne sont en fait que servitude vis à vis de l'Alliance atlantique et de
l'Union européenne. Il enferme la pensée stratégique et géopolitique de notre
pays dans le carcan de la « guerre contre le terrorisme » et du
« choc des civilisations ».
Notre
pays vit une véritable régression par rapport aux choix politiques faits
lorsqu'il quitta le commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966. L’armée
française est privée des moyens humains, matériels et conceptuels d'assurer la
défense de notre indépendance nationale. Dans un formidable retour en arrière
de plus de six cents ans, notre pays est confronté à une privatisation d’une
des fonctions régaliennes fondamentales de l’État : la défense du
territoire et de la population. Ainsi désormais, les navires de commerce
battant pavillon français sont protégés par des compagnies privées avec des
armes de guerre. La droite et l’extrême droite sous prétexte de lutte contre le
terrorisme, appellent à faire assurer la protection de certains sites par des
entreprises privées de sécurité porteuses d’armes de guerre. Elles proposent de
rétablir une garde nationale qui ne serait qu’une « milice
bourgeoise » chargée de faire régner l’ordre établi contre les supposés classes
dangereuses.
Face
à cette défaite de la pensée et de la volonté politique, le PCF entend mettre
en débat dans la société française une conception de la défense nationale qui
permettrait à la fois de protéger notre pays et notre peuple, d'avancer vers un
monde plus juste et plus solidaire et de faire progresser de manière
multilatérale la paix et le désarmement.
Au
21e siècle, au temps de la mondialisation des échanges, de la révolution
du mariage des bits et des atomes, de la crise des matières premières, des
crises climatiques, de la transition énergétique, une politique défense
assurant à la paix et la souveraineté à notre peuple n’est pas uniquement une
question militaire c’est avant tout une affaire de stratégie géopolitique
globale. On ne peut mettre en œuvre une politique de défense sans penser
éducation, R&D, politique industrielle et technologique, santé,
démographie, agriculture, maîtrise et protection des ressources naturelles…
Notre
pays doit se réapproprier une politique et une stratégie de défense
républicaine. C’est pourquoi, dans un monde devenu plus ouvert, plus complexe,
mais où de nouveaux dangers se conjuguent à de nouvelles solidarités, de
nouveaux possibles, nous avons dans ce domaine besoin d’urgence d’autres
institutions que la 5e République où un homme seul décide des
questions de défense, de paix et de guerre.
I) Défense et état du monde
En
l'espace de trente ans, nous sommes passés d'un monde bipolaire à un monde
d'une grande complexité, que les Etats-Unis – qui reste la 1ere
puissance économique, technologique, culturelle et militaire - ne maîtrisent
plus à leur guise, et où les rapports de forces et les relations
internationales sont en reconfiguration.
Les aspirations à la démocratie et à l’égalité sociale des peuples d’Amérique
latine, les révolutions arabes dans toute leur contradiction, ont balayé nombre
de dictatures issues de la guerre froide et réduit à néant la prétention des
Etats-Unis de remodeler à leur guise le monde arabe. Le centre de gravité
économique du monde a basculé d’Occident en Asie. La mondialisation
elle-même a changé de nature en faisant de l'Union européenne l'homme malade de
l'économie globalisée. La finance s’est autonomisée du politique et de
nombreuses entreprises transnationales ont une puissance et des pouvoirs
supérieurs à la plupart des états nations. Nombre d’états nations ont perdu le
monopole de la violence militaire.
Une
bourgeoisie internationale d’ultra riche déterritorialisée s’est constituée en
classe sociale mondialisée et standardisée, prête à tout pour défendre ses
profits et ses privilèges contre tous les peuples. Elle joue sur les divisions
géographiques, ethniques, culturelles ou religieuses, pour attiser les haines
et les conflits afin de protéger sa domination.
Les
Etats effondrés se sont multipliés laissant des peuples entiers à la merci de
seigneurs de la guerre mafieux et d’armées privées d’entreprises
transnationales pillant les ressources naturelles et humaines de ces pays. Les
religions monothéistes, sont en crise profonde, en raison de leur difficulté à
penser la modernité et la complexité de notre époque, à répondre à la demande
de nouvelles valeurs éthiques et sociétales de sociétés devenues urbaines où le
modèle patriarcal de la famille est de plus en plus remis en cause. Les pires
archaïsmes patriarcaux, les intégrismes religieux les plus réactionnaires
voisinent avec les plus modernes des pratiques high tech.
Surarmés[1], le Moyen-Orient, le Proche-Orient, la Méditerranée
restent plus que jamais de véritables poudrières : guerre en Syrie et en
Irak (et opérations militaires des puissances régionales, et aériennes des
Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Russie...), instabilité
chronique en Afghanistan et regain des Talibans, intervention militaire de
l'Arabie saoudite au Yémen, actions militaires, répression contre les Kurdes,
atteintes aux droits de l'homme et la démocratie et surarmement de la Turquie,
colonisation et occupation israélienne des territoires palestiniens, tension du
nucléaire israélien, risque
d’intervention militaire de l’OTAN en Libye, dictature militaire en
Egypte, actions de l'Organisation de l'État islamique en Irak et en Syrie et
ramifications avec Aqmi, Boko Haram au Maghreb et en Afrique.
En
Asie, la course aux armements fait rage dans la zone Pacifique, mais aussi
entre l’Inde et le Pakistan.
En
Afrique les situations de violence, de pauvreté, d'autoritarisme entravant le
développement du continent provoquent la mort de centaines de milliers de
personnes et poussent à l'exil des dizaines de milliers de migrants.
En
Europe, l’Otan, les Etats-Unis et l’Union européenne nourrissent en Ukraine un
conflit sanglant qui peut dégénérer.
Les
interventions militaires occidentales en Afghanistan, en Irak, en Libye, n’ont
fait qu’ajouter de la guerre à la guerre, du chaos au chaos. Si l’intervention
de la France au Mali a peut-être provisoirement évité le pire, elle n’a rien
résolu sur le fond. Seule la reconstruction d’un Etat malien démocratique par
le peuple malien lui-même et une politique de réconciliation nationale
respectueuse de tous, pourra conjurer durablement le risque de reprise d’une
guerre civile de haute intensité.
L’intervention
en Centrafrique, pays où la France à un sérieux passif, n’a rien résolu et à
engendrer de nouvelles violences.
Les
campagnes de bombardement des territoires occupés par Daesh par une coalition
dont la France fait partie, ne fait que gêner à la marge l’action criminelle de
Daesh, tout en faisant des victimes civiles collatérales.
Certes le spectre l’un conflit
militaire majeur semble actuellement écarté. Mais l’évolution des situations
ukrainiennes et syriennes ces derniers mois ont été inquiétantes à cet égard.
Nous
vivons dans un monde dangereux où les contradictions s’exacerbent en raison de
la violence de la globalisation et de la crise systémique du capitalisme. Les conséquences des transitions numériques,
énergétiques et démographiques vont créer d’énormes tensions à l’intérieur et
entre les sociétés.
L’accélération
des échanges rend particulièrement vulnérable nos sociétés à l’apparition de
nouvelles pandémies qui pourraient provoquer de véritables chaos sanitaires.
Les bouleversements climatiques entraînent des situations de catastrophes
naturelles exigeant des capacités de réactions et d’actions immédiates.
La globalisation du mode de
production capitaliste en concentrant dans un nombre très restreint de lieux
des productions stratégiques indispensables à notre vie, comme les semi
conducteurs mais aussi nombre de médicaments, rendent particulièrement
dépendantes nos sociétés à la fluidité à la sécurité du transport maritime et
aérien.
La
révolution numérique, l’open source software et hardware, ont aboli les
frontières géographiques et transgressé le principe même de propriété privée. Ils
ont fait des savoirs et des savoir-faire, des données, les premières des
richesses. Il y a une course de vitesse entre ceux qui veulent tout privatiser,
du monde du vivant jusqu’aux théorèmes de mathématique, et ceux qui raisonnent
en termes de partage.
Les
réseaux de télécommunication, les centres de stockage de données, les codes des
logiciels sont devenus les champs de bataille de véritables
cyber-guerres : espionnage industriel
et économique, cracking, destruction de données et de nœuds de communication,…
Ces cyber-guerres peuvent potentiellement mettre à genoux l’économie et le
fonctionnement d’un pays moderne aussi surement qu’une campagne de bombardement
massif d’infrastructures. Ainsi avec la NSA, les Etats-Unis pratiquent un
espionnage industriel et commercial massif au profit des grandes
transnationales à base nord américaine.
C’est à
partir de ce nouveau contexte géopolitique extrêmement tendu et contradictoire,
que la France doit mener une politique extérieure visant à la résolution des
conflits dans les cadres du respect des droits humains, du droit de chaque
peuple à disposer de lui-même et des ressources de son territoire national,
mais aussi en promouvant les notions de biens publics communs universels et le
partage des savoirs et des savoirs faire.
Cette
politique de résolution des conflits doit conduire à la sécurité collective, au
désarmement multilatéral – conventionnel et nucléaire - à la Paix. La France se doit de militer activement pour l’éradication
immédiate des armes biologiques et chimiques.
C’est
donc à partir de cette volonté politique et en lien étroit avec le contexte
géopolitique et stratégique réel, et avec l’objectif de protéger les intérêts
vitaux du peuple français, sa souveraineté démocratique, son indépendance et la
sécurité collective que la France doit élaborer sa doctrine de défense
nationale. Cette élaboration permettra
d’évaluer les menaces qui pèsent sur notre pays et de définir les moyens
nécessaires pour y parer. C'est-à-dire : La politique d’alliance, les
missions et les choix stratégiques des forces armées, les
capacités militaires, les ressources humaines et la stratégie industrielle
d’armement qui en découlent, sans oublier les
questions du rapport armée-nation, de la condition et des droits démocratiques
des militaires.
Une
politique de défense indépendante ne peut donc se concevoir hors du cadre
général de la politique étrangère de notre pays. En effet, le recours à l’action armée, la guerre ne sont
toujours que la conséquence de l’échec de la politique à résoudre les
contradictions économiques et sociales qui travaillent un territoire ou une
société.
La
guerre résulte du choix effroyable d’un groupe social ou d’un pouvoir étatique
d’imposer par la violence des armes sa volonté à d’autres groupes sociaux ou à
d’autres peuples. Sauf à mener des guerres sans fin ou des guerres
d’extermination, une guerre ne peut s’achever sans retour à l’action politique
efficace seule condition d’une paix durable.
Pas
plus qu’une politique de sécurité intérieure n’est en soi une solution aux
problèmes de la délinquance et des violences urbaines, une politique de défense
n’est en soi une solution aux contradictions économiques et sociales qui
engendrent les conflits armés. Cependant,
il n’en reste pas moins qu’une politique intelligente de sécurité intérieure
comme une politique intelligente de défense peuvent être nécessaires en
prévention d’une crise qui pourrait empirer et devenir ingérable et/ou créer
les rapports de forces afin d’ouvrir un processus de négociation pour régler
les problèmes politiques de fond.
Quels principes doivent
présider à la politique de défense nationale de notre pays dans le cadre d’une
6e République.
Une
politique de défense nationale se doit d’assurer la protection du territoire
national qu’il soit terrestre, maritime ou aérien contre toutes agressions
extérieures.
Cette
protection se doit de concerner toutes les femmes et tous les hommes résidents
en France, ainsi que les divers patrimoines naturels, culturels et
intellectuels de notre pays et de notre peuple. Elle doit protéger le peuple
français contre toutes atteintes extérieures aux libertés fondamentales et aux
droits humains. Elle doit garantir contre toutes ingérences les choix de
politiques effectués démocratiquement par le peuple français. Elle implique
aussi de lui permettre l’entière maîtrise des ressources de son sous-sol, de
son sol, de ses fonds marins, de son espace aérien et de son agriculture. Elle
doit assurer l’accès de notre peuple à l’éducation, à l’information, à la
santé, à l’énergie, à la nourriture et à l’eau.
Il
ne peut y avoir de défense nationale sans politique sécurité collective avec nos voisins européens, méditerranéens, mais aussi des
océans pacifiques et indiens, des caraïbes et d’Amérique latine. C'est à partir
de politique de sécurité collective que la libre circulation sur les mers
peut-être garantie ainsi que l'accès équitable et écologiquement soutenable de
chacun aux ressources naturelles et aux matières premières.
A
l’exception des missions de protection civile, en aucun cas l’armée ne doit
être impliquée dans des opérations de sécurité intérieure ou de maintien de
l’ordre. Elle doit par contre contribuer à empêcher le développement de toute
subversion venant de l’extérieur de notre territoire. La République ne peut
avoir d’ennemi intérieur. Il ne doit y
avoir de confusion entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.
L’Etat
doit garder la maîtrise et le monopole de la violence militaire. La République
doit s’interdire tout recours à des sociétés de militaires privées. Il ne doit
pas être toléré que des entreprises françaises, publiques ou privées,
entretiennent ou utilisent les services de véritables armées privées sur le
territoire de certains pays étrangers. Aucune mission des forces armées ne doit
être externalisée ou faire l’objet de partenariat public-privé. Ce qui implique
d’abroger la loi permettant à des sociétés privées de « protéger »
les navires marchands français avec des armes de guerre.
Le
Parlement doit jouer un rôle central dans la définition et la mise en œuvre de
la politique de défense nationale.
L’engagement de nos forces armées hors du territoire national doit
systématiquement faire l’objet d’un vote du Parlement réuni en congrès. Tout
engagement doit être sous contrôle permanent du Parlement. Le résultat de ce
vote doit être contraignant pour l’exécutif gouvernemental.
L’engagement des forces armées
hors des frontières de la France doit se circonscrire à trois types de situation
:
- La
protection et le rapatriement de compatriotes victimes d’une crise majeure à
l’étranger : catastrophe naturelle, conflit entre états, guerre civile,….
Mais ces opérations d’exfiltration ne doivent en aucun cas constituer un
prétexte pour s’ingérer dans les affaires intérieures du ou des pays concernés[2], ni être un facteur d’aggravation de la crise.
- Des
interventions dans le cadre strict d’un mandat de l’ONU[3] et sous son commandement, pris dans le respect du
multilatéralisme, exempt de toute instrumentalisation des grandes puissances
siégeant au Conseil de sécurité, et sous contrôle et autorisation en amont –
sauf circonstances exceptionnelles nécessitant le secret ou urgence - et en
aval du Parlement.
- Le droit de suite dans l’espace
aérien ou maritime international face à des violations délictueuses de l’espace
aérien ou maritime français.
Les alliances et l’Otan
L’Otan
est une organisation subordonnée aux objectifs politiques et stratégiques des
Etats-Unis. Elle phagocyte toute possibilité d’une défense européenne basée sur
l’indépendance et la sécurité collective.
Avec
l’OTAN les Etats-Unis contrôlent les politiques de défense des états membres de
cette organisation. Ils maintiennent ainsi une présence militaire sur le
territoire européen qui n’a plus lieu d’être depuis la fin de la guerre froide.
L’OTAN
plombe l’ensemble des budgets de défense européens au profit du complexe
militaro-industriel anglo-américain[4]. Depuis la fin de la guerre froide, et à l’exception
notable des Etats-Unis, de la Pologne, de la Grèce[5] jusqu’à la victoire de Syriza et de la Turquie, les
budgets de défense des pays de l’Otan[6] ont fortement diminués. Ils seraient aujourd’hui
suffisants pour assurer la sécurité de chaque pays, s’ils n’étaient pas captés
au profit des missions de l’Otan et des programmes d’armement surdimensionnés
imposés par les Etats-Unis. Les standards d’armement et de communication OTAN
dont les Etats-Unis s’exonèrent, rendent plus coûteux les matériels et
subordonnent leurs mise en œuvre au bon vouloir du Pentagone.
Sous la
domination de l’OTAN, trois pôles militaires européens s’organisent et divisent
l’Europe :
- L’Allemagne et la Pays-Bas avec autour d’eux, les pays baltes, la zone d’influence économique allemande en Europe centrale.
- La Pologne en liaison directe avec les Etats-Unis face au Bélarus et à la Russie.
- Les deux ex-grande puissances coloniales maritimes que sont la France et la Grande-Bretagne à partir des accords de Lancaster House. Outre les enjeux industriels (Drones et avions de combat), ce duo a une vocation à assurer les interventions extérieures de l’OTAN sous-traitées aux européens : Lybie, Mali,…
L’appétence
de l’Otan pour des stratégies de guerres préventives, pour l’usage du nucléaire
tactique et l’implantation d’anti-missile en Europe en fait un facteur
d’insécurité et de danger pour la paix dans le monde.
Aujourd’hui,
en dépassant la notion « d’arc de crise » et en utilisant le concept
de « zone d’intérêt national », les stratèges français proches de
l’Otan et du Pentagone, voudraient que la France s’implique à part entière dans
les politiques de confrontation que l’alliance mène hors de la zone
euro-atlantique. C’est pourquoi la
France ne doit pas être le bras armé de l’OTAN en Afrique et qu’elle doit
mettre fin aux « accords défense » la liant à des puissances
réactionnaires comme le Qatar.
La
France doit retrouver la maîtrise de son espace aérien et afin que l’usage de
celui-ci ne soit plus subordonné au bon vouloir des Etats-Unis et de l’OTAN
comme l’a montré l’affaire Evo Morales.
Les
principes d’une défense nationale indépendante et progressiste, impliquent que
notre pays prenne la décision de quitter
l’OTAN et appel au démantèlement de cette organisation. C'est-à-dire de sortir
à la fois du Traité de l’Atlantique Nord et du commandement militaire intégré. Une telle décision politique produirait un choc
salvateur qui permettrait d’ouvrir le débat sur la fondation d’une politique de
défense européenne et méditerranéenne fondée sur la paix, la sécurité
collective, la coopération et l’indépendance de chaque peuple en liaison avec
l’ONU.
Les menaces, les missions, les moyens
Les menaces que représentent
les grandes entreprises transnationales et les organismes financiers sur nos
libertés et nos vies
Elles
sont aussi diverses que dangereuses : le pillage des ressources
naturelles, l’achat massif de terre agricole[7], la spéculation sur les biens et produits indispensables à
la vie[8], la main mise sur l’ensemble des données informatiques
concernant chaque individu, chaque groupe social[9], l’espionnage économique et industriel, la privatisation
des savoirs et des savoir-faire via les brevets et la propriété intellectuelle,
le noyautage des institutions nationales et internationales, la multiplication
de sociétés internationales de sécurité lourdement armées au service d’intérêts
privés ….
Certes
contrer de telles menaces n’est pas du seul ressort d’une politique de défense
nationale. Mais des mesures fortes sont à prendre en terme de renseignements,
de contre espionnage économique et industriel, de protection des installations
sensibles, des réseaux et données informatiques, des filières économiquement
stratégiques, de notre espace maritime, aérien et terrestre.
Cela passe par la création sous contrôle
parlementaire, au sein des armées d’un service d’intelligence économique doté
des moyens humains et matériels adéquats (moyens électroniques, drones, avions
avec pods de reconnaissance, satellites,..).
Rappelons qu’en 2003, la possession par la France de ses propres moyens de reconnaissances
et renseignements lui a permis de déjouer les mensonges du complexe
militaro-industriel américain sur les soi-disant armes de destructions massives
en Irak.
Cela
nécessite aussi en matière géo localisation civile comme militaire de s’émanciper
du monopole américain sur le GPS, avec le système européen Galileo.
Cela
implique de lier comme cela se fait aux Etats-Unis ou en Chine, la protection
et le dépôt des brevets à l’impératif de défense nationale. Il faut étendre la
notion de biens inaliénables. Comment accepter qu’au détour de
fusion-acquisition, des fonds financiers internationaux puissent s’accaparer
des savoirs et les savoir-faire développés par les travailleurs de notre pays.
Les
cybers menaces
Les
cybers menaces peuvent venir aussi bien d’un Etat, que d’une transnationale,
d’un fond financier ou de groupes terroristes. Elles peuvent avoir des
conséquences graves sur la vie et l’avenir de nos concitoyens comme nous
l’évoquions plus haut.
Agence
nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et son bras armé le
Centre opérationnel de la sécurité des systèmes d'information (COSSI) doivent
devenir une arme à part entière de notre armée et au même titre que l’Armée de
terre, la Marine et l’Armée de l’air.
Vu
l’ampleur des menaces et leur gravité potentielle, le budget de l’ANSSI et ses
effectifs doivent être sensiblement revus à la hausse. La coopération de
l’ANSSI avec la DGSE doit être renforcée. Un contrôle parlementaire de l’ANSSI
est nécessaire pour éviter toute dérive « big brother » affectant nos
concitoyens. L’ANSSI doit établir des rapports de coopération avec les hackers
et les lanceurs d’alertes. Les dispositions liberticides numériques des lois
renseignements et anti-terroristes doivent être abrogées.
La généralisation des logiciels libres dans
les services de l’Etats, les services publics, les entreprises stratégiques[10] est à
encourager, car ils sont moins vulnérables aux virus et chevaux de Troie. De
plus les logiciels libres et l’open source hardware s’inscrivent dans une
démarche pacifique car ils représentent la garantie de l’accès, à égalité, pour
tous à la connaissance.
La
France doit entreprendre une action internationale contre le réseau
d’espionnage électronique américano-anglais ECHELON ainsi que le système
PRISME.
Les menaces terroristes
Il s’agit des menaces tragiquement
les plus médiatisées. Leur instrumentalisation sert de justification ultime à
l’amalgame entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.
Nous
récusons la notion d’Etat voyou, et nous exigeons que les engagements de la
France soient réaffirmés de ne pas utiliser l’arme nucléaire contre un pays qui
ne la possède pas conformément au traité des Nation Unis, ratifié par la France
La
lutte anti terroriste s’appuie actuellement sur les listes d’organisations
terroristes établies par l’Union européenne et les Etats-Unis. Ces listes
focalisent sur certaines organisations islamistes ou d’extrême gauche. Elles
sont partiales et partielles, elles ne font que refléter les choix diplomatiques
des Etats-Unis.
Elles
ignorent souvent les menaces d’extrême droite fortement présentes dans nombre
de pays de l’Union européenne, alors que notre pays a dû souvent dans son
histoire subir les exactions de groupes terroristes d’extrême droite liés à des
puissances étrangères : La cagoule en lien avec les fascistes italiens,
l’OAS en lien avec les franquistes et la CIA, la branche française du réseau
Gladio de l’OTAN, les groupes de catholiques intégristes ….
C’est
pourquoi une véritable protection du peuple français face aux menaces
terroristes ne peut s’appuyer sur ces listes. Elle doit s’organiser autour
d’un travail constant d’évaluations et renseignements sur ces menaces, sous
contrôle parlementaire. Ce travail d’évaluations et de renseignements doit être
tous azimuts, sans à priori politique et couvrir tous les domaines d’actions
possibles du terrorisme : attaques chimiques, biologiques, aériennes,
nucléaires sales, informatiques,….
Cependant,
il n’existe pas de menace terroriste extérieure en général, mais des menaces
terroristes en particulier qui sont la résultante de conflits dans lesquels la
France est engagée directement ou indirectement. Éradiquer définitivement ces
menaces terroristes implique in fine de résoudre ou de participer à la résolution
politique de ces conflits.
Il faut
aussi s’attaquer en priorité aux paradis fiscaux et à l’argent sale qui
assurent la logistique des mouvements terroristes internationaux.
Outre
le renseignement, nos forces armées doivent assurer la protection anti-terroriste
de l’espace aérien et maritime français ainsi que celui des installations
sensibles : barrages, centrales nucléaires, aéroports, ports, triages
ferroviaires, usines chimiques et biologiques, centre cloud, nœuds de
télécommunication, le site de Kourou…Cela implique une renaissance du concept
de Défense opérationnelle du territoire (DOT)
On doit mettre fin à l’opération sentinelle qui fait jouer à
l’armée un rôle dangereux qui n’est pas le sien et qui devrait relever de la
police et de la gendarmerie.
La résilience des peuples est toujours la réponse la plus
efficace aux menaces terroristes.
Les menaces sur l’espace
aérien et maritime
Le
domaine maritime français est considérable. Il subit de très nombreuses
agressions : pollution, sur pêche, piraterie, trafics en tout genre. Ses
importantes ressources sont l’objet de fortes convoitises des divers états ou
d’entreprises transnationales. Ce domaine maritime implique aussi une forte
responsabilité en termes de service public : sauvetage en mer, aide au
navire en perdition, déminage...
Notre
pays doit donc avoir les moyens de protéger cet immense espace et d’y assurer
les missions de services publics maritimes. Ce qui implique des navires de
combat, mais aussi des avions patrouilleurs, des hélicoptères, des drones, des
satellites,…Les moyens humains et matériels des gardes côtes ainsi que la
division aéroterrestre du service des douanes doivent, être substantiellement
renforcés.
L’espace
aérien français est chaque jour traversé par 15.000 avions (800 à certaines
heures de pointe). La protection de cet espace et l’assistance aux aéronefs en
difficulté[11] impliquent chaque année plus de 800 décollages d’urgence
d’avions de chasse[12].
Si on
prend en compte, attrition, la maintenance, les révisions et les upgrades,
l’entraînement, l’appui des forces terrestres, les missions de reconnaissance,
la protection particulière de certains événements ou zones du territoire[13], le format d’une armée de l’air et d’une aéronavale d’au
moins 300 avions combat est nécessaire. C’est pourquoi le programme Rafale[14] doit être mené à son terme. Les études sur un nouvel avion
de combat remplaçant du Rafale à l’horizon 2050 doivent être engagées en
maintenant et protégeant entre autres les compétences des bureaux d’études de
Dassault, Thalès et Snecma-Safran. La conception d’un avion de combat commun
avec la Grande-Bretagne est un non sens politique, militaire, technologique et
industriel.
De ce
point de vue les décisions du Livre blanc de réduire le nombre de frégates[15], de
patrouilleurs[16]
et d’avion de combat[17], de
limiter le nombre de jours en mer des navires, les missions de service et
l’entraînement des pilotes[18] mettent
en danger notre défense.
La menace d’un conflit de haute intensité
ou de frappes de notre pays par des AMD[19]
La
menace d’un conflit de haute intensité touchant la France est actuellement faible. En
effet, aucun pays ne remet en cause nos frontières ou ne menace notre intégrité
territoriale. Seuls les Etats-Unis et peut-être la Russie ont le potentiel
militaire nécessaire pour mener une guerre de haute intensité de plus d’une
semaine contre une nation équivalente à la nôtre. De plus vouloir mener une
guerre de haute intensité contre un pays doté de l’armement nucléaire
stratégique implique des risques considérables pouvant aller jusqu’à une
destruction mutuelle assurée.
Cependant,
le développement de la crise, les tensions qui interviendraient en cas
d’explosion de la Zone Euro, voire de l’Union européenne, pourraient déboucher
à nouveau sur des conflits de haute intensité sur le continent européen. Le
conflit Géorgie Russie d’août 2008 montre malheureusement que la menace de
guerre de haute intensité n’a pas disparu.
De même
si notre pays venait à prendre des décisions remettant en cause le carcan des
actuels traités européens, il pourrait être en but à des pressions économiques,
diplomatiques et militaires d’autres pays européens.
Dans
l’environnement géopolitique actuel de la France, la menace de frappes de notre
pays par des AMD non nucléaires et hors actions terroristes, est faible
cependant notre pays doit se donner les capacités en terme de forces aériennes
et navales de les anticiper si le contexte géopolitique venait à changer. La
création d’un bouclier anti-missile français ou européen anti AMD serait contre-productive, car elle
encouragerait la course aux armements dans le domaine des AMD non nucléaires et
nucléaires sans donnait de réponse fiable à la menace.
Parer
la menace d’une agression de haute intensité ou d’une frappe AMD implique de
maintenir une force terrestre et aérienne, suffisamment dissuasive
quantitativement et qualitativement pour pouvoir dissuader tout agresseur
extérieur en se dispensant de brandir systématiquement la menace de frappe
nucléaire.
Les menaces pesant sur nos compatriotes
expatriés
La
multiplication des tensions au travers du monde et menaces terroristes peut
entraîner la nécessité d’une exfiltration d’urgence de plusieurs centaines de
nos compatriotes expatriés.
Il faut
donc les moyens en avions de transport tactique, sanitaire, et de
ravitaillement en vol, en protection aérienne de l’évacuation, en hélicoptères,
en hommes entraînés pour cela afin d’assurer la protection et l’exfiltration de
plusieurs centaines de nos compatriotes.
Les menaces de catastrophes naturelles ou industrielles
Les
bouleversements climatiques, les risques de pandémie, la présence de failles
sismiques actives en divers points de notre territoire, la possibilité de
catastrophes naturelles ou industrielles, impliquent d’avoir des moyens rapides
et tout terrain de déploiement d’hommes et de matériels afin d’installer des
camps de réfugiés, des hôpitaux de campagne, de rétablir des réseaux de
transport, d’évacuer des populations, d’établir des cordons sanitaires.
D’où la
nécessité contrairement aux préconisations du Livre blanc de renforcer
qualitativement et quantitativement la composante transport aérien de notre
défense et de boucher le trou capacitaire en matière d’hélicoptère cargo. Cela
implique aussi de recréer un régiment de génie ferroviaire.
Nous mettons en débat publics quatre grandes questions concernant la
défense de notre pays
I)
La condition
militaire, les droits démocratiques et sociaux du militaire.
II)
Le lien armée
nation, le service national
III)
L’avenir de la
force nucléaire française et le désarment nucléaire multilatéral
IV)
Un pôle public
des industries de défense
I) La condition militaire
Nous
mettons en débat la mise en place une sécurité d’emploi et de formation pour
tous les engagés en organisant notamment des passerelles avec les différentes
fonctions publiques.
La
reconversion des militaires, le suivi de leur santé, leur logement doivent être
garanti par le ministère de défense.
Les
droits démocratiques des soldats doivent être reconnus comme celui de se
syndiquer dans le cadre des confédérations nationales pour défendre leurs
intérêts professionnels et moraux.
En
effet, avec la suspension de l’appel sous les drapeaux et le recours à l’armée
de métier, la nature même de notre armée, sa composition, son recrutement se
sont modifiés en profondeur.
La
haute hiérarchie militaire a alors calqué son management sur celui des grands
groupes privés. Or ce management entre conflit frontal avec les nouvelles
aspirations des militaires et de leurs familles ce qui a créé un fossé entre la
haute hiérarchie militaire et les personnels.
Sous
pression du coût exorbitant de la professionnalisation et avec l’application de
la RGPP aux armées, la condition militaire s’est profondément dégradée.
Au
temps de la conscription, le contingent était porteur par substitution des
revendications sociales des engagés, aujourd’hui cet amortisseur social a
disparu et faute de véritables structures de dialogue social, la situation est
explosive comme l’a montré s’affaire des retards de paiement des soldes ou le
problème du déroulement de carrière des gendarmes.
Il
n’est pas acceptable que les hommes et des femmes qui ont choisi de consacrer
leur vie au service de notre nation doivent recourir à des
« manifestations d’épouses/époux et de compagnes/compagnons de gendarmes
ou de militaires » pour faire valoir leurs droits.
Les
conditions d’expressions et d’interventions des militaires dans le débat
public, de participation à la vie cité[20] doivent – sauf nécessité du service, devoir de réserve et dans
le respect des valeurs de la démocratie et de la République – tendre à
rejoindre celle du droit commun des agents de l’Etat. Les restrictions doivent
être réduites à ces stricts principes et ne laisser pas place de la part de la
hiérarchie militaire ou du ministère à des interprétations étendues ou
partisanes.
Tout
mandat électif politique doit entraîner la suspension du contrat du militaire
durant sa durée.
Tout
citoyen français en possession de ses droits civiques, doit pouvoir embrasser
une carrière militaire dans l'active ou la réserve et accéder au poste qui
correspond à ses capacités. Des recours en cas de discrimination doivent
pouvoir être déposés auprès d’organismes indépendants comme la Halde. L’armée
de la nation doit être à son image dans son recrutement de la jeunesse de notre
pays.
La
Réserve doit voir son statut inscrit
dans le Code du travail pour permettre à tous d'assurer collectivement dans la
limite d'âge de ses responsabilités, un temps de réserve obligatoire pour
celles et ceux qui ont opté pour le service national long. Ces jours doivent
être payés en conséquence et permettre aux intéressé-e-s de cotiser à une
caisse de retraite spécifique ouvrant droit à une majoration du temps, type: 5
jours effectués, 10 jours comptant pour la retraite par exemple.
II) Le lien armée nation, le service national
Nous sommes passés en trente ans
d’une armée de conscription dont la mission principale malgré de multiples
contradictions était la sanctuarisation du territoire national à une armée de
professionnels tournée prioritairement vers des interventions extérieures dans
le cadre de l’Otan et le plus souvent sans lien réel avec des menaces pesant
sur l’indépendance et la souveraineté de la France. Cette professionnalisation
des armées a débouché sur d’importantes externalisations au profit
d’entreprises privées en matière de logistique, de maintenance, de gardiennage
et de sécurité.
Cette rupture délibérée du lien
armée-nation a procédé d’un choix politique ouvertement assumé par les
différents pouvoirs en place afin de pouvoir avoir les mains plus libres pour
intervenir militairement à l’extérieur. Elle a conduit à une armée à deux
vitesses : Les forces de projection qui bénéficient de toutes les
attentions budgétaires et le reste de l’armée qui vit dans une grande misère
matérielle.
Elle a aussi ouvert le champ
libre à de nombreuses sociétés privées qui ont tiré d’importants profits de la
suspension de la conscription. Leurs champs d’intervention grandissent d’année
en année, avec le risque qu’un jour elles investissent le champ des activités
combattantes et deviennent de véritables compagnies de mercenaire.
Certes, le temps en Europe, des
grands affrontements de masse des deux derniers siècles qui avaient été à
l’origine de la conscription universelle, semble heureusement révolu,
justifiant ainsi le retour à des armées de professionnels. Nos armées de par
leurs missions concentrent un terrible potentiel de destruction. Il serait dangereux pour la démocratie et
pour la paix, que l’institution chargée de mettre en œuvre une telle puissance
de destruction soit coupée du reste de la nation.
Toutes ces considérations militent pour l’ouverture d’un débat sur la
création d’un
service national mixte universel concernant les 18-26 ans. Il sensibiliserait les appelé-e-s aux enjeux de défense
nationale, de solidarité, de fraternité et de paix en France et dans le monde
(culture de paix). Il permettrait aux
appelés d’acquérir une formation militaire de base qu’ils pourraient s’ils ou
elles le souhaitent compléter et/ou approfondir par une préparation militaire
et/ou sur la base du volontariat un service national long d’un an. Il
permettrait aussi à l’armée de bénéficier de compétences et de savoir faire
professionnels que lui apporteraient les appelé-e-s.
Par
contre, il ne saurait être question de « travail gratuit », de
« corvées » ou de suppléer aux déficits d’effectif de tel ou tel
service public ou association.
Les six
mois de ce service seraient soldés et inclus dans le calcul de la retraite. Il
pourrait être aussi divisé en trois périodes de deux mois plutôt qu’être un
tunnel de six mois. Outre la solde, les conscrit-e-s devraient être logés et
nourris par l’État.
Les
appelé-e-s constitueraient une réserve d’hommes et de femmes immédiatement
utilisable en cas d’événement grave (guerre majeure, catastrophes naturelles,
pandémies, accidents industriels majeurs).
III) L’avenir de la force nucléaire française et
désarmement nucléaire multilatéral
Le PCF
réaffirme son objectif d’un désarmement nucléaire multilatéral et général.
Dans
les 1ères années de la fin de la guerre froide des progrès en ce sens
avaient été effectués de la part des Etats-Unis, de la Russie, de la Grande
Bretagne et de la France. Nombre de missiles, bombardiers, de sous marins
nucléaires furent alors détruits. C’est aussi à cette époque que l’Afrique du
Sud a abandonnée son programme nucléaire militaire.
Pour sa part, dans les années 1990, la France a démantelé
la composante terrestre de son armement nucléaire : missiles stratégiques
du plateau d’Albion, missiles tactiques Pluton, abandon du missile Hadès. La
France a finalement signé en 1998 le Traité d’interdiction complète des essais
nucléaires. Plus important depuis 1997, les sites de production de matières
fissiles de qualité militaire – Marcoule et Pierrelatte - sont en cours de
démantèlement ce qui interdit tout accroissement en termes quantitatifs de la
force nucléaire française.
Depuis le début des années 2000, ce mouvement vers le
désarment nucléaire multilatéral est stoppé et les dangers de prolifération
nucléaire s’accroissent. Les dernières déclarations du Président de la
République sont très inquiétantes et doivent être combattues car elles sortent
de la doctrine traditionnelle de dissuasion et sanctuarisation du territoire
national pour s’intégrer dans la posture offensive et agressive de l’OTAN en
Europe et dans le bassin méditerranéen. Cet abandon de la dissuasion est
d’autant plus grave que François Hollande le justifie en le liant à la crise
ukrainienne. De telles déclarations ouvrent la voie à la banalisation de
l’usage du nucléaire et à la relance de la course aux armements dans ce
domaine.
C’est pourquoi, le PCF doit être de toutes les initiatives
internationales en lien avec les forces progressistes américaines, russes,
anglaises, israélienne, indiennes, pakistanaises, chinoises afin de relancer le
combat pour le désarmement nucléaire multilatéral.
Aujourd’hui la force nucléaire indépendante française
représente une dépense de l’ordre de 4 milliards d’euro de dépense soit 10% du
budget de la défense (hors pension), elle s’articule autours d’une force
stratégique océanique (4 sous-marins dont un à la mer en permanence) et d’une
force aérienne dite préstratégique - ex-nucléaire tactique – (Rafale, Mirage
2000 N). Cet arsenal se situe très loin derrière les Etats-Unis et la Russie,
mais est à peu près au même niveau que celui de la Chine en termes de nombre de
têtes nucléaires[21].
Contrairement à la France, la force nucléaire britannique est dépendante
militairement et technologiquement des Etats-Unis.
A partir de cet état des lieux, le PCF pense que trois grandes questions doivent être mises en
débat :
·
En l’état actuel du
monde, l’existence d’une force nucléaire française sous la seule responsabilité
de notre pays est-elle
une garantie de l’indépendance de la défense française ?
- La force nucléaire française constitue-t-elle par son existence une protection efficace face à des menaces actuelles, potentielles et à venir qui pèsent ou pèseront sur notre pays ?
- Le démantèlement unilatéral de tout ou partie de l’arsenal nucléaire française aurait-il un impact positif sur la prolifération, et désarment nucléaire et la sécurité du monde ?
Le
nucléaire stratégique français n’a de sens que s’il permet de dissuader une
agression d’une autre puissance nucléaire ou une menace de conflit majeur
entraînant une invasion de notre pays. Fort heureusement, à l’heure actuelle,
notre pays n’est pas sous l’emprise de telles menaces. Cependant ce constat
appelle à la fois à s’interroger sur la pertinence de garder l’arme nucléaire
mais aussi à se demander si l’existence d’une forces nucléaire stratégique ne
participe pas à l’absence actuelle de telle menace. On ne peut donc dissocier
la question du désarmement nucléaire de la sécurité collective.
L’absence
aujourd’hui en Europe de menace d’un conflit armé majeur impliquant directement
notre pays, ne préjuge malheureusement pas des situations qui pourraient être
crées à l’avenir par les développements de la crise globale de l’Union
européenne et du bassin méditerranéen, et par la montée corollaire des
nationalismes. N’oublions jamais que la crise de la première mondialisation
financière capitaliste s’est finie par la boucherie de 14-18.
- Dans la situation géopolitique contemporaine, le fait pour la France de renoncer à l’arme nucléaire ne conduirait-il pas à se placer de facto sous les fourches caudines du parapluie nucléaire américain si on ne pose pas la question de la dénucléarisation des Etats-Unis, de la Russie et d’Israël ?
- Quels seraient le coup et le format d’une armée capable d’assurer la sanctuarisation du territoire sans la force nucléaire ?
- L’existence de l’arme nucléaire ne constitue-t-elle pas un danger insupportable de destruction pour l’Humanité toute entière ?
Ce sont
ces questions auxquelles le PCF doit répondre et qu’il doit mettre en débat
dans la population.
La lutte contre la prolifération nucléaire ne
peut et ne doit pas être menée avec des moyens de coercition militaire.
Comme
pour le terrorisme et comme l’a montré l’exemple réussi de démantèlement du
nucléaire sud-africain, il n’existe pas de prolifération nucléaire en général,
mais des proliférations nucléaires en particulier liés à des conflits très
précis. Dans le cas de l’Iran, ce n’est pas la nature du régime -aussi
détestable soit-il- qui est en jeu puisque dans un premier temps Khomeiny avait
démantelé le programme nucléaire militaire du Shah[22], mais les menaces militaires qui pèsent sur l’Iran depuis
la guerre d’agression de l’Irak contre l’Iran, ainsi que la posture belliciste
d’Israël et son surarmement nucléaire accepté par l’ensemble des puissances
occidentales. C’est la négociation multilatérale sous direction de l’ONU et non
la menace militaire qui a conduit à l’accord sur le nucléaire iranien.
Nous nous prononçons aussi contre tout
programme ou toute implantation de dispositifs antimissiles sur le continent
européen qui est une composante du système global de défense antimissiles du
Pentagone[23]. La mise en place d’un tel bouclier antimissile, ne peut
servir que les intérêts du complexe militaro-industriel américain. Véritable
nouvelle ligne Maginot, il ne serait en rien un facteur de protection pour
l’Europe, au contraire il serait un facteur de confrontation nucléaire et de
relance de la course aux armements sur le continent. Nous dénonçons le lobbying
et la course aux subventions publiques qu’organisent les industries d’armement
en faveur d’un tel bouclier antimissile.
IV Un pôle public des industries de
défense
La
décision gouvernement de financer une partie du budget de défense en vendant
des participations de l’Etat dans des entreprises stratégiques comme EADS ou SAFRAN
est un non sens politique : on brule le plancher de la maison pour la
chauffer.
La loi
Macron en consacrant fusion de Nexter au profit de l’Allemand KMW, a prononcé
l’arrêt de mort d’une production française d’armement terrestre sous contrôle
de l’État.
Il est
inacceptable que notre pays achète sur l’étagère aux Etats-Unis des systèmes stratégiques
d’armes comme des drones de reconnaissance alors que des solutions nationales
et européennes existent.
Il est
inacceptable que de manière rampante la Délégation générale de l’Armement se
transforme en société d’ingénierie.
Il est
tout aussi inacceptable que notre pays contribue via la société privatisée
SOFEMA à alimenter les conflits et la violence dans les pays les plus pauvres
en vendant les matériels déclassés de l’armée française, en particulier en
Afrique.
C’est
pourquoi il faut au contraire constituer un pôle public sous l’égide de la DGA
et sous contrôle du Parlement. Et il faut donc arrêter de toute privatisation
et reprendre le contrôle public des entreprises stratégiques liées à l’armement
comme Thalès, DCNs, Dassault,… en procédant notamment par des nationalisations
ou des renationalisation.
Il est
donc nécessaire de récréer un outil industriel national et de propriété
publique afin qu’à nouveau notre pays produise les munitions et les armes
légères dont son armée et sa police ont besoin.
De même
il faut arrêter l’externalisation des moyens des bases de défense
La
définition des programmes d’armement et la production doivent être
prioritairement orientée vers la satisfaction des besoins de défense de notre
pays.
La
rusticité, l’évolutivité, la simplicité, les volumes de production répondant
aux besoins capacitaires seront favorisés par rapport aux petites séries de
systèmes d’armes aussi ultrasophistiqués que coûteux et fragiles.
La
coopération avec d’autres nations – membre de l’Union européenne ou non - sera
recherchée dans la mesure où elle réduit les coûts de R&D et de production
et si elle n’entraîne pas de dépendance vis-à-vis des États-Unis[24].
Toute
exportation d’armement sera soumise à l’autorisation et au contrôle du
Parlement. Ces exportations d’arme doivent être motivées par des considérations
de politiques étrangères et non en vu de réaliser des profits. La France doit
se mobiliser en faveur du « (TCA) de l’ONU. La France devra mettre son
veto dans les institutions européennes sur toute tentative visant à considérer
les armes comme des marchandises comme les autres relevant du droit commun de
l’OMC
La DGA
surveillera les filières (matériaux composites, aluminium[25], uranium, terres rares, métallurgie, chimie et pharmacie),
les savoirs faire stratégiques (brevets, déploiements logistiques de forces,…),
le tissu des PME/PMI intervenant dans le domaine de la défense afin d’anticiper
les risques de prises de contrôle par des puissances ou des capitaux étrangers.
Ces anticipations devant déboucher sur des nationalisations ou des prises de
contrôle proposées par le gouvernement et voter par le Parlement.
Les industries d’armement et les filières
stratégiques auront une politique de leader permettant de créer des filières de
déconstruction d’armement, navires, avions, chars.
La DGA et les entreprises du pôle public des
industries de défense mettront en place les mesures nécessaires afin de
préserver les compétences et les savoir-faire des différents bureaux d’étude et
les outils de production de base pour faire face si une crise militaire majeure
venait à arriver.
La
DGA impulsera dés maintenant une véritable politique de diversification et de
reconversion vers le civil[26] de ces industries qui s’intensifiera au fur et à mesure
des progrès du désarmement multilatéral. Les entreprises nationales mèneront
une politique R&D de diversification, et auront une politique industrielle
volontariste permettant d’étudier et de
réaliser en interne les projets en découlant (Exemple : Energie
Marine Renouvelable, aéronautique civile) ce qui aura un impact positif sur
l’emploi.
Conclusion
Comme sur les questions économiques
et sociales, les citoyens doivent reprendre le pouvoir sur les enjeux de
défense et de paix. La commission défense-paix du PCF est persuadée que cela
doit être une des ambitions majeures d’une VI République sociale et citoyenne.
Un peuple qui est privé de la
capacité d’assurer sa défense, n’a pas d’avenir. Un pays ne peut se développer
durablement sans garantir la paix à ses citoyens.
L’urgence est donc à la sortie de
l’OTAN afin de créer les conditions en Europe et dans le bassin méditerranéen
d’une sécurité collective pour avancer dans la direction du désarmement
multilatéral. L’Onu doit être la seule organisation qui a avoir la légitimité
de décider et de conduire des opérations militaires multinationales sur le
territoire d’une nation tiers.
Face aux nombreux conflits,
tensions et contradictions qui travaillent l’Humanité, notre pays doit agir
partout dans le monde afin que les solutions politiques prévalent sur toutes
les violences. Ainsi, notre peuple contribuera à ce que l’Humanité avance vers
un monde de paix universelle sans arme.
[1] La
seule Arabie saoudite a acquis en 2016 des armements pour la somme de 52
milliards de €.
[2]
Cf Kolwezi où le gouvernement Giscard se
servit du prétexte de protéger nos compatriotes pour intervenir massivement afin
de sauver le régime Mobutu
[3] L'intervention en Libye, avec pour principale
artisan la France de Nicolas Sarkozy, s'appuyait sur la résolution 1973.
Circonscrite à la neutralisation de l'espace aérien libyen et la protection des
civils "par toutes les mesures nécessaires", elle n'a pas été
respectée... Mais de l'aveu du colonel français Goya, sa rédaction était déjà
une manipulation, puisqu'elle était délibérément mensongère afin d'en faciliter
le vote, alors que l'objectif réel de l'intervention était la chute du régime
de Kadhafi.
[4]
Voir le programme de l’avion de combat F35 aussi couteux qu’inutile ou les
anti-missiles.
[5] En
raison de la crise la Grèce a été in fine dans l’obligation de réduire
sensiblement ses dépenses d’armement depuis 2010, mais la dette des achats
d’armement en particulier en direction de l’Allemagne pèse toujours.
[6] Y
compris celui de la France
[7]
Pour l’instant le phénomène est essentiellement localisé en Afrique, mais déjà
certaine des riches terres agricoles françaises sont aussi victime de cette prédation.
[8]
Céréales, médicament, eau potable, énergie
[9]
Santé, justice, consommation, déplacement,….
[10]
Energie, SNCF, aéroports, ports, laboratoires pharmaceutiques, groupes
d’armement,…
[11] 54
vies sauvées en 2011.
[12] En
moyenne 8 à 16 avions de combat en alerte 24h/24h
[13]
Kourou par exemple lors de lancement d’Ariane
[14] Les
Rafales sont conçus pour être opérationnel jusqu’en 2050.
[15] On passerait de 18 à 15 frégates de 1er
rang soit une perte de 3 unités
[16] On passerait de 23 à 15 patrouilleurs soit
une perte de 8 unités
[17] On passerait de 300 à 200 avions de combat
soit une perte 100 unités
[18] Les pilotes seraient en deux
catégories : une minorité, ceux qui « entreraient en premier »
lors d’OPEX, continuerait à faire 180 heures annuelles de vol tandis que la
majorité sera condamnée à faire ses heures de « vol » sur simulateur
(sic).
[19] Arme
de destruction massive
[20] Par
des engagements associatifs, politiques, ou religieux
[21] De l’ordre de 300
[22]
Programme nucléaire qui bénéficia de la complicité active du gouvernement
français comme pour les programmes nucléaires militaires d’Israël et de
l’Afrique du Sud de l’apartheid.
[23] Des
bases sont installées en Californie, en Alaska, d’autres projetées en Europe
mais également en Asie-Océanie et au Moyen-Orient. La VI flotte en Méditerranée
est déjà équipée d’antimissiles.
[24]
Force est de constater que les programmes européens sont pour l’instant plus
chers que les programmes nationaux et qu’ils ne répondent pas toujours aux
besoins de défense de notre pays. Le Rafale franco-français est 50 millions
moins cher que l’Eurofigther et il est bien plus agile et polyvalent que ce
dernier.
[25] La
France et l’Europe n’ont plus la maitrise de leur filière aluminium.
[26] Le
missilier MBDA a produit le cœur artificiel d’EADS, DCNs fabriquent des
machines permettant de produire de l’électricité avec la houle, Dassault a
maintenant une activité à 70% civil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.